© R. Étienne / item
Quelque chose cloche mais quoi ? Il y a une belle énergie et de la belle idée dans cette co-mise en scène d’Élise Vigier et Marcial Di Fonzo mais ça ne prend pas. À cause peut-être du texte de Martin Crimp, trop appuyé, qui donne du prêt-à-penser au lieu de nous laisser penser. Les travers de la société y sont très bien dépeints mais de façon trop caricaturale pour qu’on y soit réellement sensible. L’humanité manque en effet et ce, dès le début, avant même d’être entré dans cette dystopique République du bonheur. En outre, la dénonciation se perd en raison d’une provocation qui, constamment recherchée, ponctuant chaque réplique ou phrase énoncée, finit par paraître artificielle et semble n’avoir d’autre fin qu’elle-même.
La mise en scène emboîte le pas de cette outrance, surlignant tout, à coup de nudité, par des jeux pléthoriques d’échos, de miroirs et de voix pré-enregistrées, ne laissant pas aux spectateurs le temps d’une réflexion : pas de respiration significative dans ce tohu-bohu à l’exception du final de la pièce, mais la pause est alors bien trop tardive et pour le coup bien trop longue : elle anesthésie ou plutôt achève de nous anesthésier. Si la structure tripartite de la pièce pouvait, sur le papier, créer une dynamique salutaire avec trois temps assez différents sur le ton comme sur la forme, ce n’est de fait pas le cas. Tout finit par tourner en rond parce que la progression ménagée n’est pas rendue lisible, elle ne se dégage effectivement pas bien dans ce foisonnement scénique, dans cette collusion générique, dans ce système mis en place, aussi bien dans le texte que sur scène, qui décline et démultiplie tout et trop : la petite phrase assassine, la liberté de…, le « ne me quitte pas » qu’un personnage adresse à sa femme.
Bref, c’est la frustration qui domine à l’issue de la représentation parce qu’on le reconnaît volontiers : le texte reste intéressant, la mise en scène est vivante et les comédiens se donnent avec une belle générosité. Mais voilà, ça ne prend pas !