Disons-le tout net, ce n’est pas le film du siècle mais il a tout de même le mérite de vouloir explorer un lieu, et de l’intérieur de surcroît, qui nous tient le plus souvent à distance et nous effraie : la folie meurtrière.
Embarqués de façon quasi continue dans la voiture sinon dans la tête de Franck Neuhart (personnage inspiré du gendarme Alain Lamare, le « tueur de l’Oise »), on traverse les paysages et les meurtres dans une atmosphère qui, égale du début à la fin, ne lasse jamais pour autant. Nous éprouvons avec horreur les pulsions assassines du gendarme et redoutons, avec plus d’horreur encore, qu’il ne soit pris (maudit regard subjectif qui nous conduit à nous identifier bien malgré nous). Ainsi les plans se succèdent rendant sensible sa prédation et ce film est de fait à la croisée du polar, du thriller psychologique et du film d’horreur, empruntant les codes de ces différents genres, pour ne pas dire leurs plus grosses ficelles (la nuit, les lieux de désolation, le point de vue interne, les plans américains ou très gros plans), sans toutefois les user jusqu’à la corde en raison d’une certaine épure formelle ; le réalisateur, d’une manière simple mais efficace, parvient à rendre l’atmosphère pesante et terrifiante ; il s’appuie aussi, pour cela, sur le travail de son acteur principal.
Guillaume Canet, froid, impassible, laisse le spectateur expérimenter l’effet Koulechov. Bien qu’on la côtoie, on ne pénètre pas la folie, on ne peut ici que la constater. Ce jeu empêche finalement tout jugement à l’emporte-pièce pour nous faire peut-être mieux comprendre d’ailleurs le jugement du tribunal et, au-delà, l’humain, y compris dans sa monstruosité dévastatrice. La prestation glacée de Guillaume Canet est remarquable rendant par sa neutralité tout possible d’une part mais tout crédible et juste d’autre part. Notons au passage qu’il n’a sans doute pas eu à chercher bien loin cette opacité, on retrouve en effet le Maurice Agnelet qu’il incarnait dans L’Homme qu’on aimait trop d’André Téchiné.
On regrettera cependant le choix de cette « romance » avec Sophie incarnée par Ana Girardot qui, dans ses derniers développements, jure et nous divertit inutilement. Aborder une folie par le biais d’une autre n’était pas inintéressant mais cette idée n’est pas exploitée au mieux et ne nuit pas tant à la réalité du fait divers qu’à la cohérence de son adaptation au cinéma. L’invention de ce personnage montre en creux les limites du film qui peine à s’éloigner d’une vérité que l’on ne peut exiger d’une fiction, fiction dont on attendait en revanche davantage de brio et d’audace dans le traitement cinématographique. S’inspirer d’un fait divers n’est pas s’y inféoder.