Magic in the Moonlight est un film d’une belle fraîcheur où les apparences sont savoureusement trompeuses. Les personnages, jusqu’au cynique et infatué de sa personne Stanley Crawford (Colin Firth), sont éminemment sympathiques. Sans doute parce qu’ils ont tous, tout à la fois, tort et raison ; sans doute parce qu’ils sont terriblement fragiles et donc humains, ne détenant pas la vérité mais en représentant une. Ce film, plein de faux-semblants, est en outre sans amertume et optimiste. Cette humanité faillible n’est en effet pas dénoncée mais vue avec bienveillance et rendue touchante.
Woody Allen, as usual, sait écrire des dialogues pleins de sel. La partition de Colin Firth est remarquable ; l’arrogance et la causticité de son personnage font rire et font mouche par leur caractère naïf (Stanley ne blesse pas exprès, il manque simplement et terriblement d’empathie). Mais l’humour ne fait pas tout. La force des dialogues réside aussi et surtout dans leur finesse et dans leurs subtilités via un grand tour de passe-passe, de prestidigitation, où les mots ont un sens à chercher en dehors des mots et où les personnages ne peuvent se réduire à ce qu’ils disent même si, paradoxalement, ce qu’ils disent dit ce qu’ils sont.
Les personnages sont ainsi bien dessinés : Stanley est un pessimiste et un rationnel invétéré et pourtant, tout ce qu’il énonce fait paraître bien autre chose ; son propos est frappé du bon sens mais nous semble dans le même temps insensé et son sérieux ne peut lui-même être pris au sérieux – le portrait psychanalytique que fait de lui un personnage est intéressant à cet égard –. Sophie Baker (Emma Stone) est un personnage ingénu, qui représente une forme de bêtise ; cela ne l’empêche pas d’être doublement solaire, par sa personne, d’une part, qu’Emma Stone incarne de façon lumineuse, quel que soit l’éclairage – petit clin d’œil au titre et à ceux qui ont vu le film – et par les vérités qu’elle parvient à transmettre d’autre part. Enfin, la tante de Stanley, Vanessa (Eileen Atkins), est merveilleuse et est sans doute aucun le plus complexe et le plus subtil des personnages puisqu’il fait toujours passer ses idées sans jamais les dire. Toujours dans le second degré, on ne doit jamais la prendre au mot et c’est de manière évidente la seule sage de l’histoire que nous conte Woody Allen. Eileen Atkins a un rôle secondaire mais sa performance en fait un personnage de tout premier plan.
On apprécie également le film pour la nostalgie joyeuse et plaisante dans laquelle il nous entraîne par le biais d’une image jaunie à l’instar de vieilles photos ou des pages d’un livre ancien et celui d’une bande son jazzy. Le film fait clairement référence, dans ses premiers plans, au superbe Cabaret de Bob Fosse – une belle madeleine de Proust pour les cinéphiles – mais sans nous replonger dans les horreurs du nazisme naissant, nous restons en 1928. Nous sommes aussi, le plus souvent, dans le sud de la France, pays qui, dans l’imaginaire collectif en général et dans celui d’Allen en particulier – on pense ici à son film, bien moins réussi, Midnight in Paris –, est souvent perçu comme un lieu de romance et de magie.
La légèreté du film est cependant entamée par la bande son, magnifique mais trop omniprésente. Un prestidigitateur fait diversion pour cacher ses trucs et préserver sa magie au service du spectacle ; ici, la musique fait diversion mais sans autre but que préserver sa magie à elle et non celle du film puisqu’elle parasite l’attention que l’on doit porter aux dialogues et même aux images au lieu de la soutenir… à croire par moments qu’Allen a pensé la musique avant l’image et que le film ne doit sa durée qu’à celle des morceaux que le cinéaste voulait impérativement placer.
Magic in the Moonlight n’est pas un grand film mais est un film plein de charme, qui redonne le sourire et met de bonne humeur, un film d’été en cette période automnale, ce qui n’est déjà pas si mal.