Corbeaux ! Nos fusils sont chargés !

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Le tableau initial, magnifique de beauté et d’étrangeté, fait d’emblée forte impression. Un vrai choc visuel, qui sera peu après renouvelé, mais dans une moindre mesure, par l’érection quasi magique d’un tribunal d’une belle, imposante et saisissante verticalité, un choc visuel qui sera surtout ressenti dans le tableau final d’une « résurrection » inattendue.

Ce qui se passe entre ce début et cette fin est assez inégal en revanche. Quelque chose patine dommageablement dans cette machine si bien lancée, sans doute parce que le sublime peine à atteindre les sommets du grotesque dans lequel on est vite immergé. La progression dramatique est indéniable mais, se faisant dans une prévisible et répétitive variation du même, elle ne met pas toujours en valeur le tragique du propos. À cet égard, l’émotion n’a pas toujours l’intensité espérée, noyée dans une trop grande agitation, trop vite balayée – aux sens propre et figuré –. L’énergie et la générosité des comédiens d’un âge certain touchent cependant, à défaut de faire mouche.

On aime, en effet, même s’il surprend, déroute et brouillonne aussi un peu, ce renversement des valeurs et des repères : le désordre devient la règle ; la folie, la sagesse ; la vieillesse, la révolte ; la femme, l’autorité. Étonnant sinon dérangeant que ce spectacle soit toujours aussi subversif et irrévérencieux plus de quarante années après sa création, sans doute parce que la femme, vieille qui plus est, est tolérée plus qu’acceptée et n’a toujours pas un droit de cité et de sexualité affirmé. Or, ici, c’est elle qui mène la danse et pis, mène, dans ses croassements haineux, à une sagesse nouvelle et à un amour autre. La société est repensée de façon intéressante et terriblement sensible dans la crise que ces vieilles femmes provoquent.

On aime en effet ces vieilles femmes lubriques qui envahissent littéralement l’espace théâtral par leur nombre, par leur être, par leurs voix, souvent gouailleuses, par leurs traditions, même malmenées. La rencontre avec le pays du Soleil levant donne ainsi lieu à une riche et enthousiasmante confrontation entre le Japon rêvé, voire idéalisé, et celui que le cinéma ou encore les mangas nous ont rendu plus familier.

Des imperfections donc mais beaucoup de profondeur dans ce théâtre où la délicatesse et la violence délivrent, en se côtoyant, un même message d’humanité.

Bref, on recommande !

Le spectacle se joue au Théâtre de la Ville du 8 au 12 décembre 2014.

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