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Une merveilleuse histoire du temps

une merveilleuse histoire du temps

L’histoire de Stephen Hawking est merveilleuse au sens premier du terme, elle tient effectivement du miracle et pourrait sembler à peine croyable si elle n’était avérée. Celle du film l’est nettement moins en revanche tant ce biopic est insipide si l’on excepte, tout de même, l’impressionnante performance d’Eddie Redmayne qui interprète le célèbre physicien – nous y reviendrons.

Tout d’abord, on n’apprend rien ou si peu que le biopic échappe complètement à l’une de ses vocations premières. Le travail de Stephen Hawking, sur lequel le réalisateur James Marsh ne s’est manifestement pas penché une demi-seconde, n’est donné à voir qu’à travers quelques phrases slogans et vitrines de librairies ayant mis en tête de gondole les ouvrages publiés par le scientifique. Le premier non spécialiste venu aurait pu en faire autant pour résumer la pensée et l’évolution des recherches du savant… et de fait, n’est pas ébauché ici le début du quart d’une vulgarisation grossière de l’état des travaux du théoricien… Le réalisateur nous dispense ainsi de cette part de rêve que constitue cette exploration inédite du temps… mais admettons… ce n’était sans doute pas le propos du réalisateur.

Comme l’affiche le laisse présumer, l’intention première n’était pas de filmer le cosmologiste mais l’homme et le couple qu’il forme avec Jane Wilde (Felicity Jones) ; le titre ne ferait ainsi pas tant un clin d’œil aux travaux sur le temps de Hawking – travaux qui n’ont donc plus qu’à être relégués au second plan à l’arrière-plan – qu’à ce temps passé avec Jane ; le sous-titre « L’histoire extraordinaire de Jane et Stephen Hawking » abonde dans ce sens. Or, là aussi, très grande déception. Les événements s’enchaînent sans qu’on n’ait véritablement l’impression d’être avec les personnages, peut-être parce que la caméra est rarement subjective. Le film déroule des faits comme un simple récit en images, mécanique et sans âme ; on reste en effet extérieur aux personnages principaux et ce ne sont finalement que les seconds rôles interprétés, entre autres, par Harry Llyod et David Thewlis, qui donnent un peu d’humanité à ce qui se passe à l’écran. Il y a bien quelques moments, concernant notamment la relation très particulière qui se noue entre Jane et Jonathan, où l’ellipse et le non dit sont délicats et bienvenus mais ils sont rares.

Alors oui, revenons-y maintenant, il y a tout de même une grande réussite, c’est celle de l’acteur principal. Sa maîtrise du corps pour jouer justement cette absence de maîtrise est remarquable, elle l’est d’autant plus que l’on a beau chercher dans sa biographie un passé de danseur, on ne trouve rien. Dans cette maîtrise, il y a bien incarnation du personnage mais cela ne contredit pas pour autant l’absence d’âme qui vient d’être évoquée. Là, dans ce travail sur le corps – le mot travail étant aussi à prendre dans son sens étymologique – réside à la fois le seul intérêt du film et, sinon son non-sens, son contresens majeur dans le fait d’exhiber autant un corps dont Stephen Hawking a pu se libérer au profit de sa seule pensée, pensée réduite à néant – ou presque – dans ce biopic.

Cette performance de Redmayne est telle qu’on imagine bien pour l’acteur un oscar et l’on se dit : tout ça pour cela ? Stephen Hawking méritait mieux ; le genre du biopic, si décrié parce que trop souvent raté, méritait mieux ; plus largement, le cinéma et ses spectateurs méritaient mieux car oui, en terme de cinéma, la proposition de James Marsh est navrante et inintéressante au possible. La réalisation est vraiment molle, sans grand parti pris ni audace, avec trop souvent, un rendu Disney à la limite du supportable, dans le traitement de certaines scènes relatant l’amour naissant entre Stephen et Jane (le premier regard, le premier baiser…) mais dans celui de bien d’autres hélas. Du vu et du revu.

Au final, il eût été bien mieux que cette histoire du temps fût brève au lieu d’être « merveilleuse ».