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L’Affaire SK1

affaire SK1

Peu de choses à sauver dans ce film.

Toute la première partie est ratée. À l’image de cette caméra flottante qui s’arrête au début sur les avocats, Frédéric Tellier cherche trop visiblement son esthétique entre documentaire, images d’archives à l’appui, et film policier esthète avec des plans surtravaillés à l’instar de la séquence où l’enquêteur Franck Magne (Raphaël Personnaz) discute avec l’avocate de Guy Georges, après l’avoir attendue adossé à un pilier.

Si la première partie, qui, globalement, retrace l’enquête, n’est pas bien engageante, c’est aussi parce qu’elle présente des digressions et grandiloquences dommageables, notamment sur la vie privée du policier Franck Magne. Sur celle-ci, on comprend bien l’idée : il faut montrer l’impact d’une enquête éprouvante sur la vie personnelle de celui qui la mène mais à l’état de bribes artificielles, ces moments d’intimité et ces échanges impossibles au sein du couple, ne contribuent qu’à faire perdre inutilement le fil de l’enquête et celui du film même.

Le terme de digression est sans doute aucun très fort car l’on n’est pas dupe, c’est évidemment en toute conscience que le réalisateur nous perd dans cette enquête comme les policiers ont eux-mêmes été trop longtemps perdus. On comprend d’ailleurs très bien cette volonté de Frédéric Tellier de faire emprunter au spectateur le tortueux chemin qui a conduit à l’identification de Guy Georges et a permis sa traduction devant la Justice… et il y parvient : les difficultés de l’enquête, ses sinuosités et l’ascenseur émotionnel que créent chez les policiers les pistes qui, sitôt trouvées, tournent court, tout cela nous saute aux yeux, c’est indéniable, mais ce que l’on comprend nettement moins bien, c’est que ce soit si mal rendu…

La faute est à imputer dans un premier temps à ce flou esthétique que nous évoquions tantôt : on entre dans une histoire vraie d’où l’on nous fait trop subitement sortir par un traitement grossièrement esthétisant par endroits. Dans un second temps, l’affaire et ses protagonistes sont connus, il fallait donc que les acteurs soient particulièrement justes dans leur jeu pour qu’on « veuille » bien oublier ladite affaire et lesdits protagonistes, et que l’on soit aussi embarqué par l’histoire. Or, peu d’acteurs sont à la hauteur ou, du moins, semblent y croire et se donner vraiment à l’exception d’Olivier Gourmet pour qui la justesse semble décidément une seconde nature et de Thierry Neuvic qui campe un policier taciturne crédible. Chez les autres, les dialogues sont débités plus que dits ; ils ne sont pas naturels, que ce soit chez Michel Vuillermoz qui ne fait pas ici oublier qu’il est homme de théâtre (n’allons pas plus loin dans la précision) ou chez Nathalie Baye (l’avocate de Guy Georges) qui ne force vraisemblablement pas son talent, s’appuyant peut-être trop vaguement sur un rôle assez proche, celui de commandant de police qu’elle avait pourtant si bien habité dans Le petit lieutenant de Xavier Beauvois. Les acteurs moins connus ne tirent pas beaucoup mieux leur épingle du jeu à l’instar de cet autre avocat de Guy Georges, incarné par William Nadylam, horriblement faux dans le film.

La deuxième partie, celle où Guy Georges est près d’être identifié par les inspecteurs avant de l’être tout à fait, nous réveille un peu ; elle est plus percutante même si l’on verse un peu dans le voyeurisme. Le spectateur est en effet contraint de suivre Guy Georges dans l’appartement d’une de ses victimes ou d’écouter les aveux de son premier meurtre. La pudeur reste néanmoins de mise – à moins que ce ne soit que de la tiédeur –, on ne se risque pas non plus à aller trop loin dans l’exhibition de l’horreur : la victime parvient à s’enfuir et les aveux seront passés sous silence au moment opportun. L’émotion que suscite la fin du film tient aussi à des correspondances, bien involontaires de la part du réalisateur, qui se font avec les récents attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher, des correspondances qui, déjà appelées par le pseudonyme donné à Magne (Charlie), sont renforcées par cette séquence de traque policière parasitée, pour ne pas dire entravée, par cette autre traque, journalistique cette fois, du scoop et du sensationnel.

Mais finalement, que reste-t-il ? Pas de cinéma, pas d’émotion véritable et profonde, pas non plus de connaissance approfondie de la fameuse affaire SK1. Il reste bien l’homme derrière le monstre, qu’on fait apparaître par moments et encore… Tout est bien trop diffus dans ce film pour que ce dernier soit véritablement marquant, tant pour son contenu que pour sa forme, et l’on se dit que l’on n’est, ici, finalement, pas bien loin du téléfilm…