L’exposition que la Cinémathèque française consacre au cinéaste François Truffaut est riche et bien documentée. La muséographie est bien pensée qui propose un parcours thématique sans être dogmatique et qui ménage de belles installations qu’on aurait cependant voulu plus nombreuses et davantage interactives. Il n’en reste pas moins que l’exposition est très agréable à parcourir parce qu’elle offre à la vue et aux oreilles de la beauté, la beauté des acteurs et actrices que François Truffaut a dirigés, la beauté des plans qu’il a tournés, la beauté des musiques qu’il a choisies pour accompagner ses films – comment ne pas frissonner devant Jeanne Moreau chantant « Les tourbillons de la vie » dans Jules et Jim ? Comment rester insensible en écoutant Trenet chanter « Que reste-t-il de nos amours ? » ou Lucienne Delyle « Mon amant de Saint-Jean », deux chansons appartenant aux bandes originales de Baisers volés et Le dernier métro -.
Les documents visuels et sonores nous permettent d’entrer dans une époque et une ambiance tout à fait particulières. Revoir Michel Bouquet jeune, revoir les regrettées Marie Dubois et Bernadette Lafont… cela rend tout à fait nostalgique d’une époque que l’on peut ne pas avoir connue mais que l’on aurait aimé vivre. Ces documents rendent aussi compte de la qualité du travail de François Truffaut, que ce soit dans l’écriture d’un scénario, dans le casting ou la réalisation, et le font sans déflorer l’histoire des films que certains, certaines n’auraient pas vus.
Mais la richesse de cette exposition réside surtout dans les manuscrits offerts à notre lecture et en particulier les lettres qui témoignent d’un parcours exceptionnel. Ainsi, Truffaut échange-t-il tout à fait naturellement, et dès son plus jeune âge, et avant même d’être connu et reconnu, avec Hitchcock, Bazin, Langlois, Genet. Ce dernier se montre touchant en voulant aider le jeune François à sortir d’une « mauvaise passe » bien connue de lui. Les lettres qu’adresse au cinéaste Helen Scott, directrice des relations publiques pour The French Film Office aux États-Unis, sont savoureuses ; elles en disent long sur « Alfie » – Hitchcock –, sur François Truffaut et sur elle-même.
Une exposition que l’on ne peut donc que recommander même s’il manque tout de même un pan essentiel de la vie professionnelle de Truffaut : sa vie privée. On le sait, l’exposition le rappelle d’ailleurs, François Truffaut s’inspirait du réel pour écrire et il est vraiment dommage que sa vie n’ait pas été évoquée, à bon escient évidemment, pour éclairer davantage son œuvre. On revient bien sur son enfance difficile mais sans s’y attarder suffisamment, on ne dit rien de son rapport aux femmes, à des actrices qu’il a dirigées alors même qu’il vivait avec elles, parallèlement, une histoire d’amour. Sa mort même n’est évoquée que de manière rapide, en début d’exposition, dans une biographie murale puis, de façon allusive mais tout de même fine, à travers un film présentant ses probables héritiers, un film qui met justement un terme à la visite.
L’exposition reste, malgré tout, une belle invitation à (re)découvrir son œuvre cinématographique.