© Michèle Laurent
Philippe Caubère nous offre à travers le personnage de Ferdinand Faure et davantage encore à travers Claudine, la mère de ce personnage, son monde… le monde du théâtre… le monde… Le texte de La Danse du diable est d’une intelligence folle avec des mises en abyme en veux-tu en voilà qui multiplient les points de vue et les invitations à la réflexion sur tout ce qui nous environne. Comment ne pas comprendre dès lors et pleinement que le monde est un théâtre, que le théâtre contient le monde ?
Cette pièce est surtout remarquablement servie et portée par son auteur et unique comédien, Philippe Caubère, qui amuse et s’amuse dans une belle et communicative énergie. Ici, Caubère ne conte pas, il joue et se joue de tout, des ans qui passent et des espaces, en nous transportant si diligemment d’une époque à une autre et d’un lieu à un autre – attention à la vitre ! –, il (se) joue des personnages de papier – d’un papier autobiographique tout de même –, il (se) joue des personnages historiques et bien morts mais qu’il ressuscite de façon incroyable, il (se) joue des spectateurs – que nous sommes –, autant de personnages savamment campés et dessinés au millimètre près par un geste, un accessoire, une intonation. Caubère navigue avec malice, plaisir et cœur entre ses différents personnages et rend limpide, pendant plus de trois heures, dans un décor nu et par ses seules qualités d’acteur, le parcours labyrinthique d’ « une » vie.
Il se joue enfin de son propre spectacle à travers une critique du monde théâtral fine qui montre les ridicules sans ridiculiser, rendant sympathiques les personnages les plus antipathiques, bornés et vieille France qui soient. Le théâtre en prend pour son grade – Ariane Mnouchkine comprise, lui compris –, les spectateurs en prennent pour leur grade, Sartre en prend pour son grade mais tout cela avec une tendresse palpable, touchante et sans l’ombre d’une méchanceté. Avec Caubère, on peut rire de tout et avec n’importe qui ! C’est appréciable ou sans prix – au choix.
Ce qui se passe sur scène, c’est au-delà de la performance et c’est pour cela qu’on lui pardonne volontiers d’être mal assis dans une salle surchauffée et puis lui-même le reconnaît : « C’est bien mais c’est long. » On passera également sur l’absence de bâche au premier rang ou sur la ceinture du pantalon qu’il relève un peu trop souvent (ça reste entre nous). On passera sur tous ces « désagréments » parce qu’on passe, vraiment, un bon moment avec lui.
En un mot : bravo !