© Claire Besse
Cette adaptation de La Grande-Duchesse de Gérolstein, opéra bouffe de Jacques Offenbach, est pleine de qualités : enjouée, dynamique et même un brin provocatrice – du moins pour ceux qui prétendent être de « sens commun » et manifester pour « tous »…- avec le choix de faire du soldat Fritz un homosexuel et du baron Grog, pour le dire un peu vite, une femme travestie en homme, cette Grande-Duchesse conçue par Philippe Béziat de la compagnie Les Brigands est également pleine d’invention pour utiliser à si bon escient la petite scène de l’Athénée. Quelque chose manque cependant.
La troupe est pourtant joyeusement expressive de la voix et du regard, on pense en particulier à Isabelle Druet qui incarne la Grande-Duchesse et à Olivier Hernandez, alias le Prince Paul. Les chanteurs, excellents comédiens, se glissent avec aisance et dans une belle générosité dans les différents personnages caricaturaux pensés par Offenbach : Isabelle Druet est magnifique, son ton de pimbêche fait mouche et sa voix, dans ses modulations, merveille ; Olivier Hernandez est tout aussi touchant que ridicule ; Antoine Philippot est un matamore idéal pour incarner le Général Boum ; Arnaud Marzorati a la noirceur raspoutinienne qu’il sied pour le rôle du Baron Puck ; quant à François Rougier, il a la bonhomie, la placidité et le vrai sens commun divertissants à souhait. Il n’y a guère qu’Emmanuelle Goizé (le Baron Grog), à qui il manque de la profondeur dans le jeu et le chant, qui jure un peu dans cette distribution bien pensée.
Les musiciens, dirigés par Christophe Grapperon, ne sont pas en reste non plus, qui, sortis de la fosse pour occuper la scène, se mêlent aux comédiens avec une belle énergie et dans un bel entrain. Dans le même temps, le travail sur les costumes d’Élisabeth de Sauverzac et les décors réalisés par les ateliers du CDN de Besançon opèrent une forte empreinte visuelle.
C’est donc un moment très plaisant que l’on passe mais oui, il manque tout de même quelque chose.
L’impression laissée par ce spectacle déjà vu l’an dernier sur cette même scène de l’Athénée reste identique en effet. Le spectacle tout entraînant qu’il soit est sans doute encore trop sage et pas assez ébouriffant. Dans les chœurs, il y a quelque chose qui fait peut-être trop Disney et partant trop candide et, par moments, des effets un peu trop faciles et soudains (la main de Boum dans le pantalon, pour ne donner qu’un exemple), pour provoquer le rire, s’avèrent contre-productifs. Le diable se glisse souvent dans les détails…
Ces quelques bémols sont toutefois loin de remettre en question l’impression positive générale d’autant que le spectacle s’affiche sans autre prétention que celle de nous divertir. Les applaudissements nourris du public sont ainsi amplement mérités et contribueront, d’ailleurs, à deux rappels chantés savoureux !