Le Misanthrope

Le-Misanthrope-Comédie-Française

Le Misanthrope est une des comédies dites sérieuses de Molière, doit-elle pour autant être grave et ennuyer comme Clément Hervieu-Léger nous invite à le penser ? Heureusement pour nous, Michel Fau au Théâtre de l’Œuvre et auparavant Jean-François Sivadier à l’Odéon ont pu le démentir et nous enchanter par leur mise en scène enlevée et intelligente.

Comme beaucoup de metteurs en scène au Français, Hervieu-Léger fait du vieux avec du neuf. Des techniques nouvelles pour monter des décors ? Une nouvelle et jeune génération de comédiens sur scène ? Tout cela sent pourtant très vite la naphtaline dans ce Misanthrope

Le décor semble moderne et audacieux en mêlant extérieur et intérieur dans un monde décrépi avec des tuyaux aussi apparents qu’improbables et par lesquels l’eau s’écoule avec force dysphonie… mais ce décor sonne creux et se comprend mal. Que donne-t-il à voir au fond ? La société ? Le cœur de Célimène ? Celui d’Alceste ? Cet espace ne fait pas sens et n’interroge de toute façon pas longtemps puisqu’on s’arrête vite à l’idée que ce décor grisâtre et terne ne fait que refléter la mise en scène plate et sans attrait que la jeunesse des comédiens ne laissait pas imaginer.

Cet espace sert en effet une scénographie poussiéreuse où l’on marque l’unité de temps par des lampes qu’on suspend et des volets qu’on ferme plus ou moins selon l’avancée du jour, où l’on dresse la table à midi et où, comme dans les soaps américains, l’on va et vient en pleine conversation, tournant le dos à qui l’on parle sans raison ni logique, pour monter et descendre, souvent précipitamment, des escaliers… Les entrées et sorties des personnages se font par plusieurs endroits mais les occasions de surprendre le spectateur n’en sont pas moins rares.

À voir ces déplacements tous azimuts et hasardeux, l’on comprend vite que la direction d’acteurs est nulle. Loïc Corbery campe un Alceste dépressif plus que misanthrope si tant est que l’on puisse cerner le personnage qu’il incarne parce qu’il change de ton sans crier gare tout en criant quand même, parce qu’il est prêt dans le dépit, à se montrer aussi fragile que rustre dans sa parole et dans ses gestes, à l’égard, par exemple, de Célimène jouée par Georgia Scalliet. Cette dernière est si quelconque que l’on en vient à s’interroger, comme Philinte – mais pour d’autres raisons –, sur ce qui peut bien pousser Alceste à l’aimer.

Elle n’est cependant pas la seule, parmi les rôles de premier plan qu’offre la pièce, à être aussi transparente que les comédiens muets qui jouent les domestiques. Déjà Alceste ne paraît pas le protagoniste incontesté de la pièce. Serge Bagdassarian ne parvient pas à s’imposer à notre mémoire en Oronte tout comme Florence Viala en Arsinoé. Rien de brillant en effet dans le dit du texte, une atonie générale s’est emparée des acteurs sans personnalité marquée ici. Il n’y a guère que le petit marquis Acaste qu’interprète avec beaucoup d’intelligence Louis Arene qui nous sorte de cette chape de plomb et nous égaie et, dans une moindre mesure, son comparse Clitandre alias Benjamin Lavernhe.

Hors de ces deux-là, rien de bien plaisant, bien au contraire. Il n’est qu’à souffrir écouter les interludes musicaux marquant les changements d’acte pour s’en convaincre. Ils sont si affreux qu’ils peinent à masquer leur finalité ultime : permettre un changement de décor et, pour les comédiens, reprendre un souffle pourtant court. Le silence n’est pourtant pas plus audible tant il fait résonner le vide à l’instar de ce final qui s’éternise dans une pseudo dramatisation de cinéma de bas étage.

Vraiment, on s’étonne ! Comment la Comédie-Française, cette grande institution presque contemporaine de Molière, ne parvient-elle pas à mieux le faire entendre et vivre aujourd’hui ?

Le spectacle se joue à la Comédie-Française du 17 décembre 2014 au 23 mars 2015.

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