Macbeth au Théâtre du Soleil

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Ariane Mnouchkine propose une très belle scénographie, si belle hélas, qu’elle noie et submerge le texte de Shakespeare.

Les décors sont en effet imposants et s’imposent. Ici, Ariane Mnouchkine tourne le dos à l’épure possible et nous offre pour chaque scène un décor, une ambiance et un raffinement dans les détails, grandioses. À l’invitation du texte de Shakespeare lui-même, quelques secondes suffisent, dans une folle et plaisante énergie, à se rendre d’un lieu à l’autre. Sous nos yeux, des levers de rideaux laissent passer une joyeuse troupe bâtisseuse d’espaces surprenants et c’est à un vrai balai ballet, savamment chorégraphié, que l’on assiste. On mesure ici la force de l’illusion théâtrale qui ne se rompt ni ne plie jamais devant la manifestation de ces artifices, artifices que l’on a pourtant exhibés bien avant le premier lever de rideau puisque les spectateurs ont eu accès à la coulisse par un jeu de transparence et ont pu voir les comédiens se maquiller, s’habiller, se préparer. La magie de ces décors qui se montent et démontent à vue, qui s’érigent et sortent de terre en un lever de rideau ou de brume, ne lasse pas et opère à chaque fois. Avec un travail sur la lumière magistral et la bande son assurée et jouée également de main de maître, on atteint vraiment le sublime ; las, on ne l’atteint pas ailleurs. Bien plus charismatiques et puissants, les décors s’avèrent de meilleurs personnages que les comédiens eux-mêmes.

Serge Nicolaï, qui incarne Macbeth, déçoit. Il n’a pas la majesté du rôle tant son jeu, d’une raideur incroyable, est celui d’un pantin, robot ou mauvais acteur de film muet. Cette allure constamment – et volontairement ? – crispée permet de mieux restituer la folie qui étreint en deuxième partie le roi régicide, certes, mais gène, beaucoup et trop, d’autant plus qu’elle jure avec le jeu des autres comédiens, bien plus naturel. Ce naturel n’est cependant pas nécessairement synonyme de justesse : les personnages ainsi incarnés semblent banals voire triviaux, Lady Macbeth (Nirupama Nityanandan) en particulier – ses costumes, trop simples et ne la détachant pas suffisamment de ses suivantes, achèvent de la rendre commune –. Les anachronismes utilisés, astucieux à première vue, éclairant de façon intelligente et inédite le texte, contribuent à cette descente de piédestal parce qu’ils suscitent le rire et tirent la tragédie vers le grotesque alors même que celle-ci, contrairement à beaucoup d’autres de Shakespeare, ne ménage pas beaucoup de comique à la lecture si l’on excepte les répliques des sorcières et du portier, d’une part, et l’humour noir et féroce des Macbeth sur leur furie meurtrière, d’autre part. Il y a donc sur cette scène du Théâtre du Soleil comme un fossé entre la grandeur des décors et la petitesse des personnages. Même les sorcières convoquent moins la magie que les décors eux-mêmes. Le jeu des masques est le seul procédé qui nous fait rentrer dans le merveilleux quand elles sont présentes.

La tragédie de Macbeth perd dès lors et de son intérêt et de sa force et de son intensité. Elle est comme diluée dans la profusion des décors, accessoires et personnels en charge de les changer. S’il y a bien spectacle et spectaculaire, on s’interroge cependant sur la place du texte. Passé à l’arrière-plan, c’est effectivement à se demander ce qu’il fait là…

Spectacle joué au Théâtre du Soleil – Cartoucherie de Vincennes – jusqu’au 25 mars 2015.

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