La noce – Derniers remords avant l’oubli – Nous sommes seuls maintenant

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© Julie Deliquet

Dans ce triptyque, Julie Deliquet propose un théâtre hyper réaliste, quitte à modifier – pour ne pas dire « moderniser » – le texte de Brecht. C’est au point que l’on se demande parfois si l’on n’est pas face à la vie, la vraie ! Génial ? Pas vraiment ou plutôt, pas toujours.

Ne serait-on pas mieux finalement dehors, à une terrasse de café, dans un restaurant ou bien au chaud, chez soi, pour la voir cette vie, la vraie, que devant ce plateau de tournage sans caméra ?

Attention ! Que l’on ne se méprenne pas. Le théâtre est évidemment bien présent, présent avec toutes ces tables montées sur tréteaux, présent avec ce postiche enlevé sous nos yeux,  avec les coulisses et ses éléments de décors à vue, présent par le choix même de ce triptyque dont la cohérence ne vient pas tant d’un même sujet abordé que de la diversité de son traitement. Les pièces s’enchaînent et se font écho sans se répéter. Le froid de Lagarce succède aux coups de chaud brechtiens avant de laisser place à une synthèse réussie, celle d’un texte justement écrit collégialement par le Collectif In Vitro. Le théâtre est présent, enfin et surtout, par le jeu des comédiens même si, pour en revenir au premier propos, ce jeu consiste à s’effacer, à faire croire qu’il n’est pas.

Par leur vitalité et leur remarquable justesse, les comédiens ne sont vite plus des personnages mais des personnes et semblent dès lors vivre leur vie sans se préoccuper de nous. Le quatrième mur est effectivement si palpable – il n’y a qu’à regarder la manière dont les tables et les acteurs sont placés pour comprendre que leur visibilité pour le public n’est pas recherchée – que le spectateur se retrouve parfois, surtout dans les moments de fête et de joie (c’est ballot), comme les effarés rimbaldiens regardant à travers la vitre quelque chose qui leur paraît inaccessible ou du moins pas pour eux. On peut aussi penser aux « Yeux des pauvres » de Baudelaire pour se figurer la gêne mêlée d’admiration que l’on ressent ici à être là et en dehors à la fois. Le Collectif In Vitro se connaît sans doute très bien, c’est sa force, indéniablement ; c’est aussi sa faiblesse car cela rend difficile, de fait, l’intégration d’une pièce rapportée, tout spectateur que celle-ci puisse être.

Il est cependant des moments très forts, très intenses, magiques même où les larmes montent, où la gorge se serre, où la scène s’étend à l’espace public, où l’on hérite – pour une fois – de personnes vivantes : comment oublier cette réécriture de « La Bohème » d’Aznavour pour ne citer qu’un exemple…

Des réserves donc mais une pleine et entière adhésion au travail fourni. À défaut d’être tout à fait concluante, l’intention est belle !

Spectacle joué au Théâtre des Abbesses du 18 au 26 septembre 2014.

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