Cet enfant

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Une déception vraie, déjà à la lecture. La pièce enfile les poncifs de façon poussive avec trop peu de fulgurance dans le style, trop peu de fulgurance dans le propos. Tout était bien moins cousu de fil blanc dans Au monde, Les Marchands, Ma chambre froide ou encore, de façon paradoxale, dans les réécritures de contes – à l’instar de Cendrillon – que Joël Pommerat a faites.

Alors oui, des répliques qui se replient sur elles-mêmes et se ressassent semblent normales pour dire des souffrances elles-mêmes aigries et ressassées mais là, le naturel échappe trop souvent dans ce flot, dans cette irruption de paroles solitaires, y compris et surtout sur scène.

Cousu de fil blanc, Cet enfant ? Le texte se veut pourtant fragmentaire, ménageant des acmés d’émotions au fil des scènes, saynètes, épisodes. Mais voilà, à la lecture, ces acmés tirent un filin un peu gros, à de rares exceptions près, et deviennent presque grossiers sur scène. On aurait aimé être surpris, on aurait aimé voir les mots trop simples du texte transfigurés par la force de qui fait la marque de fabrique de Pommerat : des noirs et blancs cinématographiques saisissants et la sensibilité touchante de ses fidèles comédiens. Or, ici, nous sommes invités à entrer dans de vieux chaussons et à écouter une chanson que l’on connaît déjà, ce qui est problématique pour un spectacle « nouveau ». Pommerat, en faisant du Pommerat, ne se renouvelle pas et déçoit, vraiment.

S’il y a bien des éléments nouveaux sur scène par rapport au texte édité, ceux-ci sont contre-productifs. Les coupes dans le texte, le déplacement de la scène initiale, l’ajout d’intermèdes musicaux voulant passer le mur du son entre deux « diapos » ou encore le parler-brailler des comédiens, rien n’y fait : loin de dynamiser la mollesse du texte, ils en soulignent les faiblesses.

Soixante-dix minutes, c’est finalement très long pour le spectacle d’un auteur en mal d’inspiration et d’audace.

Restent tout de même le jeu et la voix d’un comédien : Lionel Codino.

Reste enfin le titre de la pièce : il ouvre magistralement le champ des possibles en convoquant subtilement, par le démonstratif utilisé, cet enfant idéal tant attendu, tant fantasmé, tant craint.

Spectacle joué aux Bouffes du Nord du 10 au 27 septembre 2014.

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