© Laurent Philippe
Contact :
• État ou position de deux corps ou substances qui se touchent.
• Sensation produite par quelque chose qui touche la peau.
• État ou action de personnes qui sont en relation, qui communiquent entre elles, qui se fréquentent.
• Communication, relation entre des personnes, des groupes.
[Larousse]
Le titre du spectacle, énigmatique, s’avère très vite bien trouvé. Le spectacle est en effet un véritable point de contact entre plusieurs genres, plusieurs personnes, plusieurs styles, plusieurs univers. Plongés dans une ambiance de cabaret, les spectateurs voient se succéder des tableaux scéniques présentant tour à tour des numéros de claquettes, de danse, de magie, de cirque ou laissant place au théâtre avec une réécriture du mythe littéraire de Faust comme fil conducteur officiel. La musique, instrumentale ou chantée, est également de la partie qui se joue souvent en direct et de façon très moderne ; la vidéo, enfin, n’est pas non plus en reste qui accompagne par moments le mouvement des danseurs dans un jeu de miroirs plus ou moins déformants et kaléidoscopiques.
Si le tout séduit, c’est que la jonction entre ces différents arts n’est jamais brutale ; à aucun moment, on n’a l’impression que l’on est dans du discontinu, sans doute parce que les tableaux s’enchaînent avec pour véritable fil rouge le plaisir des yeux et des oreilles et le plaisir tout court. Ces tableaux rappellent en quelque sorte le costume d’Arlequin : les pièces disparates prennent du sens cousues ensemble et forment finalement un tout divertissant. Par ailleurs, tous ces arts se côtoient avec beaucoup de poésie et de drôlerie même si la poésie et la drôlerie ne sont pas toujours au rendez-vous.
Il y a quelques dissonances en effet dans ce mélange des genres, des dissonances dues notamment au mélange des tons. Le ton est parfois léger et bas même, avec des intermèdes clownesques à l’humour peu recherché – et de fait introuvable –, qui tranchent avec le raffinement esthétique des acrobaties, l’onirisme apporté par la vidéo ou encore l’univers musical virtuose créé par Nosfell et Pierre Le Bourgeois par exemple. Le choix des costumes offre aussi un grand écart entre la fripe et la robe haute couture. Mais il semble manifeste que ces couacs sont organisés, voulus, pour créer des ruptures propres à mettre en exergue la beauté majoritaire – puisque c’est elle qu’on retient – des numéros et tableaux présentés. Le mélange des genres et des tons est ainsi plus vivifiant que dissonant.
Si la bienveillance est de mise et le lâcher prise critique aussi, c’est que le spectacle n’est pas prétentieux, ce qui est rare dans un spectacle qui se veut total. Cette absence de prétention est lisible dans la simplicité un brin navrante des intermèdes sus-cités, dans celle aussi de numéros qui se passent d’ « artifices », se présentant quasi nus aux spectateurs, et qui éblouissent malgré tout – on pense au premier numéro de danse inspiré de Fred Astaire – ; elle l’est surtout dans cette volonté évidente chez Philippe Decouflé de concevoir un spectacle populaire au sens noble du terme, un spectacle de rencontres – et partant de contacts – pour et entre les spectateurs eux-mêmes qui viennent de cultures et d’horizons différents, un spectacle pensé pour le contentement de tous, ce qui n’induit pas qu’il soit sans exigence. Le choix de la distribution révèle justement cette volonté et met bien en lumière cette notion fondamentale et, de fait, éponyme de contact.
Ainsi, des hommes et des femmes évoluent sur scène qui n’ont clairement pas les mêmes aptitudes pour la danse – suivez mon regard… M. Salengro – mais qui dansent très bien seuls, à deux, trois, quatre… ou tous ensemble. Tout le monde trouve sa place, pas de discrimination ! Les femmes enceintes sont acceptées, les hommes portant des robes sont acceptés, les femmes habillées en homme sont acceptées…
Pas de prétention donc mais de l’invention ; du foutraque et du fantasque certes, mais qui ne versent pas pour autant dans du grand n’importe quoi généralisé. Chatoyant à souhait – car toutes les couleurs sont aussi acceptées : du noir au blanc en passant par le jaune canari, le rouge vif et l’argenté –, ce spectacle de la Compagnie DCA est un beau voyage.
Ne reste plus qu’à monter à bord et se laisser porter !