©PJ – Ivan Malý
Daniel Barenboim – Staatskapelle Berlin / Cycle Mozart – Bruckner
Vendredi 2 Septembre 2016
- Wolfgang Amadeus Mozart – Concerto pour piano n° 24
- Anton Bruckner – Symphonie n° 4 « Romantique »
Sous la férule de Daniel Barenboim, la Staatskapelle Berlin joue avec beaucoup de rondeur et de délicatesse ces pièces de Mozart et de Bruckner, jusque dans les « sautes d’humeur et accès de fureur » de ces dernières… Or, c’est précisément là que le bât blesse. La gravité manque, et peut-être même quelque chose de l’ordre de la raucité et de l’ampleur dans cette interprétation qui lisse bien trop les différents mouvements des morceaux proposés. Les sons sortent par ailleurs si purs des instruments à cordes ou à vent – l’excellente acoustique de la Philharmonie de Paris n’y est pas pour peu – que la musique nous semble lointaine, de celle pré-enregistrée que l’on écoute tranquillement chez soi. On en viendrait presque à apprécier ce qui est, d’ordinaire, insupportable, ces toux, respirations fortes et froissements de programme et tissus en tous genres parce que cette matière humaine sort ici l’auditoire d’une écoute de studio, apportant ce grain, cette vie et cette chaleur que les amateurs de vinyle ont pu regretter avec l’avènement du CD.
Daniel Barenboim fait pourtant sensation et force notre respect : sans baguette ni partitions, il donne l’impression d’un homme porté par la musique, musant et improvisant quand, sous l’impulsion de son geste délié et économe qui bat la mesure et indique la nuance, les musiciens offrent un bel unisson et une composition particulièrement léchée et maîtrisée, ne faisant qu’à peine entendre le souffle des vents et le cri des cordes sous le crin des archets. Dirigeant d’une main l’orchestre et jouant de l’autre au piano, il noue ainsi un très beau dialogue avec la Staatskapelle Berlin pour le concerto de Mozart et s’appuie admirablement sur cette énergie sans faille et toute en décontraction des instrumentistes pour l’interprétation de la Symphonie n° 4 de Bruckner. Ce tableau, quasi bucolique, de la complicité et de la simplicité d’exécution dans l’effort produit charme et nous ferait presque entendre, au lointain, Le petit berger de Debussy.
Devant un tel travail et une si grande synergie, on s’étonne alors de ne pas être davantage saisi, de ne pas être ébloui même… mais voilà, le voyage auquel nous sommes conviés se fait sur un fleuve à l’eau trop tranquille pour tout à fait nous transporter dans le sublime et nous faire chavirer. Le bateau n’était pas ivre, ce soir-là.
c’est amusant, je viens de lire l’exact contraire de ce que vous écrivez sur le blog d’un critique musical… Lui trouve l’interprétation massive, écrasant les détails…. comme quoi….
Si je n’ai pas trouvé son interprétation massive et écrasant les détails ce soir du vendredi 2 septembre, je l’ai en revanche très bien ressentie ce samedi 7 janvier quand Barenboim a dirigé la symphonie n° 3 de Bruckner (j’en dis quelques mots sur mon compte Twitter) et, dans une moindre mesure, quand il a joué et conduit le concerto pour piano n° 22 de Mozart sans grande subtilité dans les nuances et sans récit surtout (sa musique ne m’a effectivement rien raconté ; j’en dis également quelque chose sur Twitter).
Quant au fait que les opinions puissent diverger autant d’une personne à l’autre, je trouve cela très sain ! Pourriez-vous me dire à quel critique et quel blog vous faites référence ?