Celui qui tombe

celui qui tombe© Géraldine Aresteanu

La proposition de Yoann Bourgeois est d’excellente facture dans son ensemble mais, inégale, en reste bien trop à l’exercice de style.

Voulant sans doute ménager une belle progression dans l’énergie et la surprise, le spectacle souffre d’un début assez poussif du fait d’un visuel dominé par une mollesse brouillonne et d’une bande son d’autant plus désagréable qu’elle ne semble pas assumée – l’on ne sait au début, ce sera plus clair par la suite, si elle provient du frottement des corps sur le « sol » ou d’un enregistrement. D’autres temps morts seront las ménagés avec un retour à l’informe, avec des figures impressionnantes également mais qui finiront par lasser, s’enfermant dans un système, ne se renouvelant pas suffisamment vite et fort et faisant finalement truc et poudre aux yeux.

On ressort cependant du spectacle avec une impression globale très positive parce que la conscience de l’exploit physique est aiguë tout d’abord : la force centrifuge, qui ne sera d’ailleurs pas toujours utilisée, ne fait effectivement pas tout contre cette impérieuse loi de la gravité, défiée avec une constance stupéfiante ici par les danseurs acrobates. Les chocs esthétiques sont nombreux d’autre part, qui font très vite oublier les quelques passages plus creux et déceptifs. Le spectacle trouvera ainsi son premier souffle vital sur l’air de « My way ». Le saisissement créé alors est sans doute facile voire pavlovien (le tralala de la chanson, le travail sur les couples sur scène) mais bien là. D’autres, heureusement, suivront dont la fréquence, la force et l’intensité augmenteront au fil du spectacle. La scène mouvante sur et sous laquelle évoluent les danseurs sera exploitée et explorée avec beaucoup d’ingéniosité et de poésie avec parfois une dimension ludique bien inspirée qui feront communier d’une certaine manière le public et la scène dans une même respiration, dans une même frayeur pour celui ou celle qui pourrait tomber.

La beauté du spectacle n’est évidemment pas que formelle ou technique ; elle est également portée par une réflexion très riche et profonde sur la relation qui se noue dans un groupe entre ses différents individus, sur celle encore d’un individu face au groupe, sur tous ces rapports de force les traversant, les travaillant ou les tiraillant, des rapports de force tels qu’on les voit à l’œuvre dans Rhinocéros avec le positionnement de Bérenger face à ses concitoyens. Cette beauté du spectacle trouve effectivement sa puissance dans ce jeu d’unions, de désunions, de réunions faites et défaites de façon sensible et insensible à la fois. On regrettera cependant que ce jeu, même virtuose, ne fasse pas suffisamment histoire pour nous embarquer complètement et faire taire en nous cette impression persistante d’être uniquement face à une variation sur le même thème à la manière de Queneau et de ses Exercices de style.

Le spectacle se joue du 22 septembre au 10 octobre au Monfort. Pour les dates de la tournée, c’est ici.

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