Geschichten aus dem Wiener Wald

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© Arno Declair

Michael Thalheimer n’a rien à nous dire sur la pièce de Horváth. Pire, il y a dans ses choix scéniques et esthétiques comme une volonté de nous faire oublier l’indigence de sa lecture personnelle en nous détournant du texte. C’est sans doute la raison pour laquelle il tombe dans toutes les facilités du ressort dramatique qui vise à émouvoir aux dépens du sens.

L’interpellation directe du public. La pièce s’ouvre sur un paradoxe : les spectateurs sont mis en lumière tandis que les comédiens, sur scène, restent assis en rang d’oignon dans l’obscurité. Cette inversion crée de l’étrangeté, une perte de repères – on est regardé plus qu’on ne regarde -, on est à proprement parler pris à partie, y compris par la musique dont le son est très fortement monté, comme par vagues, pour mieux surprendre mais voilà, il ne se passe pas grand chose finalement : bon nombre de spectateurs attendent que cela commence « vraiment » et continuent de discuter. On est loin de ce qui s’est produit à l’ouverture, au Théâtre de la Ville, de Corbeaux ! Nos fusils sont chargés !, par exemple, où le public est d’emblée soufflé par la beauté du premier tableau ; on n’est pas même amusé ou si dérangé que cela par cet effet de miroir initial, comme c’était le cas dans la version castellucciennne du Sacre du Printemps à la Villette. La raison ? L’émotion qui ne nous submerge pas et le sens qu’on ne cherche pas non plus parce qu’il est assez clair que tout cela tient de la grosse ficelle, surtout avec la musique bien connue du Beau Danube bleu diffusée en grandes pompes pour plus facilement nous « emballer-c’est-peser ». Le metteur en scène ne nous dit-il pas justement qu’il ne se passera rien sur scène mais que le sens est à chercher dans le public ? Oui, l’on est étonné, bien pris à partie mais pour quoi ? pour quel sens ?

Le rire. Le personnage d’Oskar, à la manière d’un clown, met bien quinze minutes à sortir un paquet de bonbons de sa poche et à l’y remettre. Le ridicule du personnage était pourtant déjà dessiné à coup de postiche ventrale proéminente et démarche affreusement chaloupée. On comprend bien ensuite, quand la protagoniste Marianne apparaît toute de rouge vêtue, l’image : le pervers qui donne maladroitement des bonbons à la jeune fille en fleur… Oscar est un loup pour elle… mais cette maladresse et cette perversité ne vont pas de pair justement. On est loin du clown ou du mime que l’on a plaisir à voir s’embourber et se ré-embourber dans la durée et qui semble vouloir lui-même prolonger notre plaisir à la manière de Christian Hecq de la Comédie-Française dans Un fil à la patte.

Le choc esthétique. Longue pluie de confettis ou port répété de masques en carton traduisent le tragique dans lequel se débat Marianne mais aussi, dans une moindre mesure, chacun des personnages. Cette pluie offre un contraste très fort entre sa beauté et l’horreur de la situation ; elle intervient en effet au moment où Marianne, après avoir refusé d’épouser Oskar et de vivre une vie bourgeoise et commune, est en pleine déchéance, Quant aux masques (déjà présents dans sa mise en scène de La mission), ils rappellent évidemment ceux de la tragédie, indiquant également l’hypocrisie du monde et sa volonté de se mettre à distance de ce qu’il provoque. C’est beau mais si artificiel, si à côté du texte que l’on perd alors de vue…

Et tout est à l’envi. On prend le temps de tout en dehors du texte et cela pourrait être très bien mais ce temps, pour installer les personnages par exemple, devient très vite longueur et lassitude parce que l’interaction entre les personnages souffre de ne pas être assez puissante, s’usant et s’érodant dans la répétition sans variation et sans fin des tête-à-tête post-défilés systématiques. Les comédiens sont pourtant bons et expressifs à souhait et c’est sans doute aussi pour cela que le temps semble long pour dire ce que l’on a compris dès le premier geste, dès la première expression, à la couleur et à la coupe du costume porté.

Le départ entre le texte et le hors texte est trop évident, trop sensible. Il semble que ce que Thalheilmer ajoute au texte est justement ajouté, superposé et indépendant du texte. Le divertissement redevient en effet avec lui un parfait synonyme de diversion : faire rire ou faire beau pour nous divertir, au sens premier du terme, ou pour seulement nous amadouer ?

Bref, ça pourrait fonctionner mais ça ne fonctionne pas.

Spectacle joué du 16 au 19 décembre 2014 au Théâtre de la Colline.

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