Les Héritiers

les héritiers

Marie-Castille Mention-Schaar réalise ici un très beau film sur l’école, sur la jeunesse, sur l’Histoire et plus largement sur l’Homme parce que tour à tour, différents points de vue sont adoptés : celui de l’institution scolaire à travers les élèves, les professeurs, un chef d’établissement, celui de la jeunesse à travers ces mêmes élèves, qui se construisent aussi en dehors de l’école, dans les cités, dans le regard des autres, dans la religion ou la difficulté ainsi que dans ces « rencontres » avec les enfants sur lesquels ils vont mener des recherches dans le cadre du concours national de la Résistance et de la Déportation, celui enfin de l’Histoire, dans toute la polysémie du mot histoire (récit d’une vie, récit mémoriel et universel, observation et enquête – si l’on se reporte à son étymologie grecque).

Cette absence de focalisation conduit à une objectivité salutaire qui évite l’écueil du manichéisme ou celui de l’angélisme dont on taxe facilement et à juste titre les films qui, se terminant bien, offrent une vision trop éloignée de la réalité et des statistiques du terrain. Ce procès en angélisme est d’ailleurs difficilement tenable ici parce que, pour le coup, ce film s’inspire d’une réalité et d’une réussite, celles d’Ahmed Dramé qui, avant d’en être le comédien principal et co-scénariste, était un de ces élèves de seconde qui, poussés par leur professeur d’histoire-géographie, Anne Gueguen, ont participé au concours national de la Résistance et de la Déportation et gagné le premier prix… Au-delà de cela, la dureté des élèves et du milieu dans lequel ils vivent, se débattent et font se débattre ceux qui les entourent, est bien rendue, leur humanité aussi.

Le témoignage de Léon Zyguel sur son enfance tourmentée apporte aussi de l’authenticité et permet de relativiser. L’ancien déporté intervient dans le film comme il le fait régulièrement dans les classes, comme il l’avait déjà fait pour la seconde d’Anne Gueguen ; la réalisatrice a tenu en effet à ne faire qu’une seule prise, avec quatre caméras et sans autre scénario que la vérité du moment, aussi bien pour Léon Zyguel que pour les jeunes acteurs priés de tomber le masque et d’oublier leur rôle. Nous en revenons ici à la principale force du film : adopter tous les points de vue sans zapping délétère, ni longueur, ni pesanteur mièvre et, par la prise de conscience qu’il amène, nous faire aller de l’avant.

« Vous qui entrez ici, laissez toute espérance. » (Goethe)

C’est justement plein d’espérance et de foi en l’avenir qu’on sort de la salle de cinéma ; on se dit effectivement qu’on a peut-être tort de désespérer autant de cette jeunesse « perdue » sur l’antienne bien connue depuis Socrate du « Ah la la, de mon temps, vraiment, c’était autre chose, on ne se conduisait pas ainsi, mais qu’ont-ils donc dans la tête, ces tyrans jeunes gens ? ». Le titre, à cet égard, est bien choisi, nous rappelant une vérité incontestable qui donne à réfléchir : les jeunes d’aujourd’hui sont par la force des choses ceux qui prendront notre relais ; on ne peut donc pas baisser les bras devant leurs errances ou leurs frasques et c’est de notre responsabilité à tous, au-delà de ceux qui sont parents ou enseignants, de les élever, au sens vertical du terme, du mieux possible.

Ce qu’il y a derrière la caméra est tout aussi beau et prometteur pour l’avenir quand on mesure le parcours d’Ahmed Dramé.

Alors oui, nous sommes plus éblouis par le message que par l’image du film mais le message passe bien et fait du bien, ce qui n’est déjà pas si mal !

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