Le Capital et son Singe

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Il y a d’abord ce bouleversement des habitudes : placement libre, file d’attente qui monte en colimaçon dans les hauteurs de la Colline et cette réorganisation du Grand Théâtre… On ne veut pas être déçu après tout ça !

Certes, on a pu voir Le Père Tralalère – dont Le Capital et son Singe reprend quelque peu la scénographie – et on fait confiance à Sylvain Creuzevault pour à nouveau nous faire vivre un je ne sais quoi de fort… mais tout de même…

On craint ce « beaucoup de bruit pour rien » qui nous fait parfois désespérer du prix des places et on craint encore, quand un premier personnage prend place sur la scène, un grand n’importe quoi, une énième fanfaronnade, une facilité de plus.

Puis le texte advient et nous fait entrer de plain pied au théâtre. La parole fait surgir des rôles et des personnages plus vrais que nature ; les sons et les corps sonnent, tonitruent sans artifices. Si le texte et le contexte qu’il charrie – ah ! les régimes politiques du XIXe siècle… – échappent, le sens affleure, nous touche voire s’impose à nous, non seulement par la poésie du texte, son rythme, ses sonorités, ses images, sa musique, mais également par l’expressivité remarquable des comédiens qui la portent, leur énergie et leur synergie, mais encore par cette convocation intelligente d’une mémoire collective entretenue par les noms de rues ou de stations de métro. La parole est action, et quelle action ! et quelle parole !

La sincérité des acteurs émanant d’un jeu d’improvisation subtilement travaillée est proprement enthousiasmante, nous donnant l’impression d’être dans un je – ici – maintenant essentiel et salutaire.

Alors soit, il est un moment où tout retombe et s’alanguit – plus que moins abruptement d’ailleurs – et où vient cette question de la pertinence d’un spectacle long, de deux heures quarante-cinq et sans entracte. Et puis tout finit par rebondir et dans les mots et dans le rythme et l’on est bluffé parce que cette « pause » n’est pas vaine : elle nous a permis de reprendre nos forces pour mieux nous saisir et nous plonger dans une épopée poétique et politique magistrale.

Le Capital et son Singe réussit ce tour de force beckettien de jouer un drame profond sans quitter le drolatique. Tout un programme !

Merci !

Spectacle joué à la Colline du 5 septembre au 12 octobre 2014.

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