En attendant Godot – J.-P. Vincent

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© Raphaël Arnaud

Cet En attendant Godot que met en scène Jean-Pierre Vincent est très beau visuellement mais c’est hélas à peu près tout.

La pièce s’ouvre sur un décor magnifique effectivement, avec en fond de scène un soleil d’un jaune très particulier qui, placé sur un bleu stellaire, n’est pas sans évoquer les tableaux nocturnes de Van Gogh (La Nuit étoilée, Terrasse du café le soir…). La présence et le jeu d’Abbes Zahmani et de Charlie Nelson, incarnant respectivement Estragon et Vladimir, ajoute à la poésie de cette « toile » numérique : ils ont un côté clownesque avec leur costume trop grand et leur maquillage blanc et font par ailleurs penser, par leur aspect physique, au duo comique que formaient Laurel et Hardy. Cependant, rien de bien nouveau sous ce soleil emprunté au peintre néerlandais, ni sous sa compagne la lune qui siffle à deux reprises la tombée de la nuit et dont l’effet fait, soit dit en passant, nettement moins impression. Tout se fait, de fait, a minima ici, dans le burlesque, dans le rire, dans le tragique. Le cadre posé, le pilotage automatique est très vite enclenché tant on ne saurait trouver des spécificités ou des traits de génie dans la scénographie et la lecture proposées par Jean-Pierre Vincent. S’il est pertinent et bien normal de faire confiance au texte et de le laisser parler, il est assez difficile, après avoir vu la mise en scène pleine de novation de Jo Lambert-Wild ou celle si radicale de Yann-Joël Collin via le collectif « La Nuit surprise par le Jour », de se satisfaire pleinement de cette proposition lisse, sans grande audace et trop gentiment menée.

Les comédiens, de toute évidence, ne sont guère dirigés, ni à aucun moment mis en danger. L’on ne s’étonne donc plus de leur jeu quelque peu convenu et sans sel. La personnalité de chacun des personnages n’est ainsi pas suffisamment marquée, à tel point qu’Estragon et Vladimir paraissent interchangeables, Lucky incolore et Pozzo insipide. C’est d’ailleurs ce dernier qui cristallise le plus la déception tant l’acteur qui l’interprète, Alain Rimoux, manque de charisme et livre une prestation loin d’être mémorable. C’est aussi le cas de Frédéric Leidgens qui incarne un Lucky trop sérieux et banal pour nous intéresser : ni son maintien, ni son phrasé lors de son soliloque ne suggèrent véritablement sa folie ou son extravagance ; seul le texte les induit par les incohérences et absurdités qu’il contient. Il n’y a finalement que le garçon (Gaël Kamilindi) qui détonne dans cette indifférenciation ambiante : le comédien n’est pas si jeune que le rôle le donne à penser et c’est déjà un premier contrepied qui vient renforcer son statut de cheveu-dans-la-soupe qui lui conférait, de facto, une certaine fraîcheur. Au-delà du jeu plan-plan des comédiens, on peut aussi regretter que les costumes participent de cette confusion possible des personnages, ne dessinant rien d’assez précis les concernant mais les enfermant bien dans le ventre mou qui caractérise la pièce.

Le temps passe ainsi bien lentement sans que l’ennui des personnages soit bien palpable et cette attente de Godot bien prégnante… et il s’en faut de peu que cet ennui ne nous gagne tout à fait en revanche… Heureusement, la force du texte de Samuel Beckett est telle qu’il se fait entendre malgré tout.

Le spectacle se joue au Théâtre des Bouffes du Nord du 4 au 27 décembre 2015.

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