Hippocrate

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Hippocrate est un film d’une rare justesse. Il dépeint de manière remarquable, avec une bande originale bien pensée – ce qui ne gâte rien -,  les arcanes de l’AP-HP, son univers impitoyable comme sa très grande humanité, ses failles ou faiblesses, ses forces. On a peur au début d’une certaine facilité, celle qui consiste à suivre de près, de très près, dans un dédale souterrain anxiogène, le jeune interne que joue Vincent Lacoste, pour montrer qu’il entre en milieu hostile pour ne pas dire « inhospitalier ». Mais très vite, l’authenticité et le naturel l’emportent sur les quelques plans muraux de trop et par trop artificiels.

Toutes les questions qui se posent – la fin de vie, les conditions de travail du personnel, les grèves, les politiques d’économie, la souffrance des patients, la maladie, l’euthanasie, la mort – le sont de façon délicate, subtile, sans pathos. L’humour sait aussi savamment côtoyer le malheur ; la jolie infirmière en blouse blanche trouve sa place, le grivois et les blagues de mauvais goût sur les malades aussi. Bref, tous les points de vue sont adoptés et l’on atteint par là l’esthétique du documentaire et son objectivité, même si, clairement, le parti de le humain est pris. Le titre le dit d’ailleurs assez bien, rappelant simplement l’essentiel du métier, de cette « malédiction », ce serment pourtant difficilement tenable face aux impératifs économiques et à l’insoutenable souffrance de l’être : « Je dirigerai le régime des malades à leur avantage, suivant mes forces et mon jugement, et je m’abstiendrai de tout mal et de toute injustice. »

L’une des plus belles réussites du film est cette capacité de mettre au premier plan l’arrière-plan sans que cela se fasse à marche forcée. Ainsi Vincent Lacoste glisse imperceptiblement du premier au second plan, laissant le très charismatique interne étranger incarné par Reda Kateb prendre la place et entrer en résistance face à la maladie – n’est-il pas présenté comme un FFI, un faisant fonction d’interne ? Ainsi les patients, loin de constituer une galerie de portraits drolatiques ou touchants mais secondaires, savent nous toucher et nous marquer durablement par l’humaine condition qu’ils portent. Même l’anecdotique des voiturettes bousculant à plusieurs reprises Vincent Lacoste dans les diverses travées de l’hôpital prendra un relief et un sens inattendus et n’en restera pas à l’anecdotique.

Alors la fin, oui… bon… d’accord…, mais nous l’attendions aussi, pour une fois.

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