Idiot ! parce que nous aurions dû nous aimer

idiot

© Philippe Delacroix

Vincent Macaigne, en chef d’orchestre, nous propose une mise en scène audacieuse, inventive, spectaculaire.

Il nous surprend en effet par ce qu’il impose aux comédiens : cette intensité, ce jeu hurlé, égosillé en continu, ce maintien du corps en terrain perpétuellement glissant. Les acteurs déploient une énergie de manifestants en colère, même pour dire le plus banal. Ils filent et défilent dans une sarabande survitaminée où les paroles pleines de sagesse, de vérité, de profondeur et de noirceur nous sont follement jetées à la figure.

Il nous surprend aussi par ce qu’il impose aux techniciens au niveau des installations, réglages son et lumière, déplacements, et au théâtre lui-même ; tous les espaces sont mis à contribution pour ne pas dire, plus justement, réquisitionnés : la scène évidemment mais aussi la salle où les spectateurs prennent place, les espaces d’accueil et de restauration, jusqu’aux abords extérieurs du théâtre, et tout cela, sur une longue durée, une durée indéterminée même, puisqu’elle déborde celle du spectacle dont la durée elle-même est difficile à estimer.

Sitôt que l’on approche du Théâtre de la Ville, nous sommes déjà aux premières loges. Tout est mélangé, mêlé, collisionné par les voix des acteurs qui nous transpercent, par la musique, ses vibrations et la lumière, magnifique, qui nous traversent, par les différents éléments du décor – ne dévoilons pas tout – qui nous parviennent, jusqu’à nous coller à la peau. Le départ entre le jeu et notre vie ne peut se faire, on se perd. Où est le réel ? où est la fiction ? où sommes-nous ?

Macaigne nous surprend enfin par ce qu’il impose et/ou propose aux spectateurs : une participation active qui n’est pas sans être problématique puisque ce choix nous oblige à nous exhiber en boute-en-train effrénés ou à nous assumer en rabat-joie. Cette injonction à la fête peut être par moments déplaisante – on se sentirait presque rebelle à ne vouloir être qu’un spectateur lambda venu pour s’asseoir, voir et écouter et puis, il faut le dire, on ne goûte pas toujours à l’humour et à la drôlerie des personnages – mais elle est si fondamentale au théâtre. On revient, malgré toute cette démesure, malgré toute cette modernité qui revêt, en apparence, la forme du grand n’importe quoi et de la folie, aux racines même du théâtre : un théâtre politique et participatif où seule la parole est action et l’on peut dire, fièrement, en tant que spectateur : « Un jour, j’ai été ici. »

Spectacle joué au Théâtre de la Ville du 1er au 12 octobre 2014 et aux Amandiers de Nanterre du 4 au 14 novembre 2014.

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